Portrait de David Bruy, responsable de l'Herbier de Nouvelle-Calédonie à l'IRD.

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David Bruy

David Bruy est ingénieur d'études à l'IRD où il est également responsable de l'Herbier de Nouvelle-Calédonie.

 

1.       Quel est votre parcours ?

Je suis né en Nouvelle-Calédonie et j’ai toujours été intéressé par les plantes. Avec mes parents on faisait déjà des randonnées où on plantait, du coup j’ai toujours eu envie de travailler dans les plantes. Cette envie s’est accentuée avec les cours de biologie végétale que j’ai eu en filière S au lycée. Après mon bac, je suis parti à Montpellier faire ma licence de biologie. Il y en avait une sur le territoire, mais elle était très générale. À l’Université de Montpellier j’ai pu me spécialiser en botanique. Les enseignants étaient intéressants, pointus et surtout très sympas et super passionnés ! Ça m’a donné envie de continuer en master recherche « Biodiversité Végétale Tropicale ». J’ai fait tous mes stages ici, en Nouvelle-Calédonie, car c’était important pour moi de travailler chez moi. D’ailleurs, ce qui m’a motivé à faire une thèse, c’est de pouvoir la faire en Nouvelle-Calédonie. Pendant ma thèse, un concours pour être conservateur de l’Herbier de Nouvelle-Calédonie s’est ouvert, j’ai candidaté, j’ai eu le concours et j’ai été recruté l’année dernière. Je suis donc à présent fonctionnaire d’état.

 

2.       Quels sont vos domaines de recherches actuels ?

De manière générale, la botanique et l’évolution végétale ; et plus particulièrement (i) la systématique, c’est-à-dire comprendre la définition et la classification des espèces, et (ii) l’évolution des formes de croissances, en utilisant entre autres les phylogénies moléculaires et les traits fonctionnels.

 

3.       Quels aspects considérez-vous comme les plus marquants de votre carrière ?

Les grosses missions de terrain, quand tu es complétement immergé au milieu de la nature. Je pense notamment aux missions « La planète revisitée » qui ont eu lieu en 2016 en Province Sud et en 2017 en Province Nord. Tu es isolé dans un camp à 800m d’altitude, il y a des gens qui gèrent le camp et toi tu te consacres uniquement à aller chercher des plantes, à les traiter et à les étudier. Tu es en immersion pendant presque un mois avec plein de scientifiques, tu discutes avec des spécialistes des escargots, des entomologistes etc… et ta culture générale fait un sacré bon en avant. J’adore ces grandes expéditions scientifiques.

 

4.       Quelles sont les applications de vos recherches ?

Elles sont multiples. D’abord il s’agit de bien comprendre la classification des espèces végétales, c’est-à-dire où s’arrête une espèce et où commence une autre. Il est important de pouvoir identifier facilement une plante collectée, car c’est le commencement de toute étude scientifique : l’identification de son objet d’étude. Cela se fait à travers mes recherches mais également grâce à l’Herbier dont j’ai la charge. Mes recherches et l’Herbier servent aussi à comprendre la répartition et l’abondance des espèces sur le territoire. Ces données servent énormément pour la conservation. Par exemple, je fais partie de la Red List Authority pour la flore de Nouvelle-Calédonie, une liste rouge des espèces menacées établie selon les critères standardisés de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN). En Nouvelle-Calédonie, elle est notamment utilisée par les Provinces pour établir leur code de l’environnement.

 

5.       Le quotidien d’un chercheur, c’est quoi ?

Il y a une bonne partie en laboratoire, pas en laboratoire au sens où on l’entend avec des pipettes et des manipulations chimiques, mais devant un ordinateur ou dans l’Herbier pour gérer des bases de données, identifier des espèces, gérer des spécimens. Il y a également une partie terrain, assez conséquente, où on récolte des plantes ; il faut aimer être dans la nature. Mon poste implique aussi la gestion de l’équipe de 3 personnes qui travaillent à l’Herbier. Je m’occupe également des relations internationales, lorsqu’il faut accueillir des personnes étrangères qui veulent consulter l’Herbier. Pour finir, il y a également la partie recherche, la production d’articles scientifiques, les révisions taxonomiques. Depuis les années 2000, on décrit en moyenne une nouvelle espèce par mois en Nouvelle-Calédonie et il y en a encore plein d’inconnues ou de mal connues. D’ailleurs, l’application PlantNet a été développée par notre UMR en France, l’AMAP (Botanique modélisation de l'architecture des plantes et des végétations), et a été déclinée ici, en partenariat avec l’association Endemia.

 

6.       Le moment où vous vous êtes dit « je veux faire de la recherche » ?

Depuis petit je voulais travailler dans les plantes, mais ce qui m’a motivé à faire un master recherche puis un doctorat c’est les profs reconnus internationalement en botanique ou en architecture végétale que j’ai eu en licence à Montpellier. Il y avait une super équipe pédagogique et comme c’était eux qui géraient également le master recherche… Ils m’ont vraiment donné la passion de la recherche.

 

7.       Quelles sont vos plus belles réussites ?

C’est tôt pour le dire, mais déjà le fait d’avoir trouvé un poste où je fais exactement ce que j’aime et dans mon pays, c’est quelque chose de formidable.

 

8.       Quelles sont, selon vous, les principales qualités que doit avoir un chercheur ?

Il doit être passionné, ça c’est sûr, car c’est un métier très prenant, tu fais souvent des heures supplémentaires, tu peux rester 3 semaines sous la pluie, sous une bâche… Que ce soit des plantes ou d’autre chose : il faut être passionné. Je pense qu’il faut être extrêmement rigoureux aussi, quand je gère les bases de données ou les collections pour l’Herbier, je suis presque maniaque.

 

9.       Quelle place accordez-vous au hasard (opportunités, rencontres, chance…) dans votre travail de recherche ?

C’est essentiel, car tu as beau être le meilleur du monde, rencontrer les bonnes personnes ça fait toute ta carrière, le hasard joue beaucoup, si on ne te donne pas ta chance tu n’iras nulle part. Sur le terrain, pour les récoltes de plantes, le hasard joue également. Même si avec l’expérience l’œil se développe et on sait ce qu’on cherche, on ne tombe pas toujours sur ce qu’on attend.

 

10.   Quelle est, pour vous, la découverte majeure qui a influencé l’histoire de la science et de l’humanité ?

L’imprimerie, et notamment la presse de Gutenberg, car ça a démocratisé la connaissance. Par rapport aux moines copistes, cela a permis de produire en masse plein de livres et d’illustrations et de diffuser le savoir à large échelle. Ça a été un vrai coup de boost pour le développement de l’humanité et de la recherche.