
Mahé Dumas est plongeur-biologiste à l’UMR Entropie de l’IRD. Découvrez son parcours en 10 questions.
1. Quel est votre parcours ?
J’ai passé mon bac en Nouvelle-Calédonie, et je suis parti en métropole par la suite, où j’ai passé un DEUST (diplôme d'études universitaires scientifiques et techniques) de technicien de la mer et du littoral, ainsi qu’une licence professionnelle. En rentrant en Nouvelle-Calédonie, j’ai décidé de passer mes niveaux de plongée bouteille, et j’ai ensuite intégré une école de scaphandrier à Marseille, en 2014. De retour, j’ai ensuite travaillé dans une entreprise de travaux sous-marins, avant d’être embauché à l’Institut de recherche pour le Développement (IRD) dans un premier temps en CDD au sein du service plongée fin 2017 puis depuis le premier mars, j’ai rejoint l’UMR ENTROPIE en CDI.
2. Quelles sont vos activités de recherches actuelles ?
Je fais partie de l’équipe transversale d’appui à la recherche de l’UMR Entropie, au sein de l'IRD en Nouvelle-Calédonie, dont l’objectif vise à mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes marins et insulaires de l’Indopacifique tropical, dans le cadre du réchauffement climatique. Donc les domaines d’applications sont très variés, j’interviens en plongée autonome dans le cadre des projets de recherche, afin de mettre en place différents instruments de mesures, faire des comptages d’organismes, réaliser des prélèvements biologiques, d’eau ou de sédiments selon les plans échantillonnages prévus par les projets. Ces activités s’exercent soit en missions de terrain à la journée soit en missions embarquées sur des navires et pour des durées plus longues. J’aide aussi à l’extraction des données et à la mise en forme et au traitement des données générales. En lien toujours avec les programmes de recherche, je peux effectuer d’autres tâches, comme maintenir des collections de spécimens telles que les collections phycologiques (algues marines) ou d’échantillons destinés à des analyses ADN ou histologiques, faire de l’analyse de vidéos et de photographies sous-marines, ou encore apporter mon aide au laboratoire. C’est très varié, difficile de décrire une journée type ! La principale mission reste les interventions hyperbares, et disons que pour 20 à 30% de mon temps j’ai d’autres activités et missions.
3. Quels aspects considérez-vous comme les plus marquants de votre carrière ?
Je dirais la participation à toutes les missions océanographiques sur des bateaux scientifiques. Ces missions permettent de travailler dans des endroits très reculés et inaccessibles autrement, et donc de pouvoir travailler avec un support et des conditions matérielles idéales. Je ne pourrais pas citer une mission en particulier ! Mais il y a une plongée qui reste mémorable pour moi, sur l’atoll de Makemo, en Polynésie française, au milieu d’une migration de baleines. Travailler avec le chant des baleines, c’était magnifique.
4. Quelles sont les applications de vos activités de recherches ?
Comme je l’ai dit c’est très varié, mais actuellement je participe à trois projets en cours dont deux impliquent des interventions hyperbares. Le premier intitulé SUPERNATURAL, étudie la capacité des récifs coralliens et des espèces marines associées à résister au changement climatique. J’ai également contribué aux expériences conduites dans le cadre du projet SUN, dont l’objectif est d’observer l’impact de différentes crèmes solaires sur les coraux. Le dernier projet auquel je participe, en dehors de la plongée, mais qui est actuellement en stand by à cause de la crise sanitaire due au Covid-19, est l’étude SEAMOUNTS, qui vise à mieux connaître la biodiversité et l’abondance des vertébrés associés aux monts sous-marins.
5. Le quotidien d’un ingénieur de recherche, c’est quoi au juste ?
Alors moi je suis assistant de recherche, disons entre technicien et ingénieur. Comme je l’ai dit, c’est compliqué d’avoir une journée type. J’ai eu une formation autant scientifique que technique. J’ai été formé à la plongée scientifique mais également aux techniques des travaux sous-marins, donc tout ce savoir-faire rythme mon travail que je mets aujourd’hui au service de la science. Tous les projets de recherche sont nouveaux pour moi, et offrent vraiment une grande diversité d’activités.
6. Le moment où vous vous êtes dit : je veux faire de la recherche ?
Depuis le collège ! Je me suis renseigné très tôt sur la profession. Je suis un passionné de la mer et de son environnement depuis tout petit, ce qui a naturellement orienté mon choix d’étude. La plongée est aussi une passion, donc j’ai trouvé comment lier les deux. A côté de ça, j’ai rencontré un plongeur-biologiste étant plus jeune qui m’a beaucoup parlé de son travail et m’a orienté sur la marche à suivre. Je lui dois beaucoup ! La plupart de mon temps libre je le passe sous l’eau, je fais de l’apnée depuis tout petit, de la chasse sous-marine, c’est mon monde quoi.
7. Quelles sont vos plus belles réussites ?
Ce sont plutôt des réussites collectives à travers des projets de recherche, car nous travaillons en équipe. Donc je dirais que ma plus belle réussite c’est le fait de participer à un projet qui se passe sans encombre, avec de bonnes avancées et de bons résultats. Sur le plan personnel, j’ai vraiment la chance de faire un métier utile et passionnant, dans lequel je peux apprendre un peu plus tous les jours, de par la variété des programmes de recherche.
8. Quelles sont, selon vous, les principales qualités que doit avoir un assistant de recherche ?
C’est vraiment un métier de passionné, il faut faire preuve avant tout d’une grande curiosité personnelle, être polyvalent, savoir travailler avec des spécialistes venants de différents horizons et différentes nationalités. A côté de ça il faut avoir une certaine rigueur, et une capacité à organiser et planifier. Pendant les missions océanographiques sur les bateaux de recherche, une bonne habileté et une bonne condition physique sont nécessaires. Je peux être amené à partir en mer pendant longtemps, jusqu’à plus de cinq semaines de suite, il faut tenir le rythme.
9. Quelle place accordez-vous au hasard dans votre travail de recherche ?
Le hasard a fait que j’ai rencontré un plongeur-biologiste, donc j’ai eu la chance de recevoir beaucoup d’informations sur ce travail et sur la marche à suivre pour en arriver là. Sinon j’ai eu de la chance d’être engagé à l’IRD, dans ce poste-là, car ce sont des places rares et chères.
10. Quelle-est, pour vous, la découverte majeure qui a pu influer sur l’histoire de la science et de l’humanité ?
Alors, pour l’humanité, c’est compliqué… Dans mon domaine, la principale avancée serait celle de la technologie au niveau de la plongée, qui permet de travailler en sécurité et dans de bonnes conditions, en allant toujours plus profond. Par exemple, l’arrivée du scaphandre autonome et des recycleurs, l'utilisation de mélanges gazeux qui permet de travailler en sécurité et à des profondeurs inaccessibles auparavant. Nous à l’IRD, selon la réglementation et pour respecter les certifications de tous les plongeurs, on ne doit pas dépasser cinquante mètres de profondeur. Les paramètres de la plongée, dont la profondeur, dépend des besoins des programmes de recherche. Sinon, aujourd’hui, avec un équipement adapté, on peut aller jusqu’à plus de cent cinquante mètres, mais ce sont des plongées engagées qui peuvent durer une journée entière…