Portrait de Delphine Coulange, anthropologue (MSc) à l'IAC

Delphine Coulange

Delphine Coulange est anthropologue (MSc) à l'IAC. Découvrez son parcours en 11 questions.

 

 

1. Quel est votre parcours ?

Après le bac, j’ai entamé des études d’histoire jusqu’au niveau Master 1 à l’Université de la Rochelle puis j’ai enchainé sur un Master 2 professionnel en anthropologie et métiers du développement durable à l’Université d’Aix en Provence. J’ai eu l’occasion de beaucoup voyager pendant mes études, j’ai notamment fait un an d’échange au Canada où j’ai eu l’opportunité de découvrir les cultures amérindiennes. J’ai également passé un an au Mexique en tant qu’assistante de langue, puis j’ai effectué mon stage de Master 2 au Sénégal et enfin j’ai suis partie faire une mission en Malaisie sur la géophagie (le fait de manger de la terre – ici de l’argile).

J’ai toujours eu une attirance pour les peuples autochtones et leurs cultures. C’est d’ailleurs pour ces raisons que la Nouvelle-Calédonie a suscité ma curiosité depuis mon plus jeune âge. Dans mon Master 2, nous avions des échanges avec l’IRD de Nouméa, notamment avec Pierre-Yves Le Meur, ce qui m’a permis de prendre connaissance des opportunités qu’offrait la Nouvelle-Calédonie dans le domaine de l’anthropologie. Je suis donc venue m’installer ici et ai commencé quelques mois plus tard à travailler sur la Gouvernance de l'eau sur terres coutumières en Nouvelle-Calédonie (GOUTTE).

 

2. Quels sont vos domaines de recherches actuels ?

Après deux ans de travaux, le projet GOUTTE est terminé. Je travaille actuellement sur la valorisation de ces recherches, notamment par l’écriture d’articles scientifiques. J’ai eu l’occasion de travailler avec une stagiaire, Katleena Amo, sur un jeu de rôle sur la thématique de l’eau et je vais probablement co-écrire un article sur ce sujet avec mes collègues. Je vais également, au sein de l’IAC, être amenée à participer à l’encadrement d’une nouvelle stagiaire en plus de mon soutien sur diverses missions comme la rédaction de rapports d’activités.

Je suis actuellement dans l’attente d’un financement pour rédiger une thèse qui serait la continuité de mes travaux dans le cadre du projet GOUTTE. Si je n’obtiens pas ce financement, j’essaierai peut-être de me mettre à mon compte en Nouvelle-Calédonie. J’envisage de rester vivre ici pour l’instant, l’île est une terre d’opportunités pour l’anthropologie et je pense pouvoir apporter mon expertise sur de futurs projets très intéressants.

 

3. Pourquoi vouloir commencer une thèse à ce stade de votre carrière ?

Après mon Master, je ne voulais pas me lancer dans une thèse car je ne voulais pas travailler toute seule sur un projet de recherche. En travaillant pour le projet GOUTTE, je me suis vraiment rendue compte que la recherche ce n’est pas un travail en solitaire : c’est avant tout beaucoup d’échanges, en particulier avec des collègues. J’ai eu la chance d’avoir un très bon cadre de travail au sein du projet GOUTTE, notamment avec Séverine Bouard de l’IAC, Caroline Lejars du Cirad et Catherine Sabinot de l’IRD, qui m’ont beaucoup aidée et avec qui j’adore travailler. J’ai gagné en confiance en moi et plus j’avance dans mes recherches plus je me rends compte que le sujet de la gouvernance de l’eau est vaste et qu’il mérite d’être approfondi.

 

4. Quels aspects considérez-vous comme les plus marquants de votre carrière ?

Ce sont mes expériences de terrain qui m’ont le plus marquée. J’ai été conviée à participer à des rituels magico-religieux qui m’ont beaucoup marquée, notamment un en particulier lors de ma mission à Bornéo. Ces rituels sont très impressionnants et m’ont confrontée à un écart culturel important, me forçant à lâcher prise sur ma propre culture. Toutes mes rencontres et mes expériences m’ont fait apprendre plus sur moi-même.

 

5. Quelles sont les applications de vos recherches ?

Le but du projet GOUTTE était d’identifier les usages, les pratiques et les représentations liées à l’eau sur terres coutumières. Nous avons étudié l’organisation sociale, et notamment comment les tribus kanak à Hienghène et à Voh s’organisent pour gérer l’eau et voir comment cette organisation s’articule avec la gestion officielle de l’eau. Nous avons regardé plus localement comment s’organise la gestion de l’eau au niveau clanique et tribal, par exemple autour d’un captage, par rapport à leur histoire et leur culture.

J’ai étudié la gouvernance de l’eau sur terres coutumières sur deux vallées : la vallée de la Pouanlotch et le haut de la vallée de la Hienghène. Lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet GOUTTE, je vivais depuis seulement quelques mois en Nouvelle-Calédonie et Patrice Godin (anthropologue à l’UNC et spécialiste de la région de Hienghène) m’a beaucoup aidé à acquérir quelques clefs de compréhension de la culture kanak. Le choix de ces deux communes n’était pas un hasard, elles ont une histoire ancienne communicante mais aussi bien différentes. Cela permettait de comparer deux gestions de l’eau contemporaines différentes dans une même aire coutumière : l’une sur la côte ouest et l’autre sur la côte est.

 

6. Le quotidien d’un anthropologue, c’est quoi au juste ?

Mes journées sont partagées entre le bureau et le terrain.

Au bureau je vais faire beaucoup de lectures et d’écriture. J’assiste Séverine Bouard (chercheuse à l’IAC et porteuse du projet GOUTTE) sur certains sujets mais je fais principalement de la recherche documentaire, de la retranscription d’entretiens et du travail d’écriture de rapports.

Sur le terrain, je vais partir sur une ou plusieurs journées et préparer mon déplacement : réserver un logement si nécessaire, prendre des rendez-vous par téléphone pour organiser des entretiens, etc. Je vais ensuite mener mes entretiens, qui durent environ 2h, généralement directement chez les personnes. Je vais aussi parfois visiter des endroits spécifiques : par exemple à Hienghène j’ai été voir un captage et d’anciennes terrasses de culture du taro d’eau. Toutes mes rencontres se sont bien passées, certaines personnes étaient plus méfiantes que d’autres à l’idée de discuter avec moi mais finalement tous les entretiens que j’ai menés se sont bien déroulés, malgré parfois certaines tensions préexistantes sur le sujet de la gestion de l’eau.

 

7. Le moment où vous vous êtes dit : je veux faire de la recherche ?

C’est en Master 1 d’histoire que je me suis véritablement posée la question. J’ai voulu essayer de faire quelque chose de plus appliqué, donc je suis partie en Master 2 professionnel où j’ai suivi des cours très concrets comme sur la gestion de projet ou la gestion budgétaire. J’ai eu l’occasion de mettre tout cela en pratique lors d’une mission aux Philippines où je travaillais en bidonville avec de jeunes mères en recherches d’emplois. Cette expérience m’a fait douter de mon parcours très appliqué et en plein cœur du développement durable, je sentais que cela ne me convenait pas complétement. Je pense avoir trouvé un bon équilibre sur le projet GOUTTE entre la recherche pure et la recherche plus appliquée grâce à nos contacts réguliers avec les institutions publiques et certains professionnels.

 

8. Quelles sont vos plus belles réussites ? 

Mes plus belles réussites sont les rencontres que j’ai faites. J’adore passer un bon moment en entretien et voir qu’à la fin tout le monde est satisfait de cet échange.

 

9. Quelles sont, selon vous, les principales qualités que doit avoir un chercheur ?

Je dirais que c’est l’ouverture d’esprit et le fait de ne pas être dans le jugement. C’est important d’être sceptique, mais il ne faut pas se mettre de barrière face aux gens et essayer de rester le plus neutre et ouvert possible. Une autre qualité primordiale est également le fait d’être toujours curieux et à la recherche de découvertes.

 

10. Quelle place accordez-vous au hasard (opportunités, rencontres, chance…) dans votre travail de recherche ?

Dans mon domaine, j’y accorde une place vraiment importante. Par exemple, dans le cadre du projet GOUTTE, la première personne que je rencontre dans une zone d’étude est très déterminante pour la suite puisque qu’elle va m’introduire auprès d’autres personnes concernées par mon sujet d’études. Ce n’est pas vraiment du hasard puisque cette personne-là me guide vers d’autres personnes en prenant en compte des critères ; mais de mon côté cela peut s’y apparenter puisque je ne sais pas en avance qui je vais avoir l’opportunité de rencontrer.

 

11. Quelle est, pour vous, la découverte majeure qui a pu influer l’histoire de la science et de l’humanité ?

Je dirais le fait d’avoir découvert d’autres cultures, d’autres peuples très différents des nôtres. Sans les explorateurs, nous n’aurions pas développé ce goût pour l’anthropologie et la découverte de l’autre. Je suis également impressionnée par tous les progrès dans le domaine de la génétique qui nous permettent de retracer l’histoire de l’humanité.