Dominique PHAM travaille pour l'Ifremer en tant que responsable du projet RESSAC, à la station aquacole de Saint-Vincent. Découvrez son parcours en 10 questions.
1-Quel est votre parcours ?
Je suis parti en métropole après avoir passé mon bac en Nouvelle-Calédonie. J’ai intégré une école d’ingénieur agroalimentaire à Dijon, et en revenant ici, j’ai contacté l’Ifremer pour effectuer mon service militaire en tant que VAT (Volontaire à l’Aide Technique). Après 16 mois de VAT à l’Ifremer, j’ai été embauché en tant que biologiste grossissement sur les bassins d’élevages de crevettes. Je travaille pour l’Ifremer depuis 1988, donc depuis 32 ans, et j’ai préparé une thèse en 2008 que j’ai obtenue en 2011.
Depuis je m’occupe essentiellement de tout ce qui a trait à l’écloserie et à l’élevage larvaire de la crevette calédonienne à la station de Saint-Vincent, et je suis porteur du projet RESSAC (Ressources et écosystèmes aquacoles en Nouvelle-Calédonie) qui est la partie aquaculture et plus précisément crevetticulture du LEAD (Unité de Recherche Lagons, Ecosystèmes et Aquaculture Durable en Nouvelle-Calédonie)
2- Quels sont vos domaines de recherches actuels ?
En tant que responsable de projet RESSAC, et avec toute l’équipe de l’Ifremer qui travaille dessus, nous cherchons à améliorer la durabilité de la crevetticulture en Nouvelle-Calédonie, en optimisant les conditions d’élevage, en essayant d’utiliser la biodiversité calédonienne (micro-algues, halophytes, bactéries), afin de comprendre et de satisfaire les besoins de l’animal en conditions d’élevage.
3- Quels aspects considérez-vous comme les plus marquants de votre carrière ?
Je dirais le fait d’avoir participé au développement d’une filière crevetticole en Nouvelle-Calédonie. Quand je suis rentré à l’Ifremer en 1988, on travaillait déjà sur la crevette depuis 1973, mais on faisait de l’élevage semi-intensif, et avec deux ou trois fermes en Nouvelle-Calédonie. J’ai apporté ma contribution à l’intensification des élevages et à l’augmentation du nombre de fermes sur le territoire, et aujourd’hui il y en a 17. Actuellement, on travaille vraiment sur la connaissance de l’animal et ses interactions avec l’environnement.
4- Quelles sont les applications de vos recherches ?
Moi-même j’ai un objectif particulier dans le projet RESSAC, c’est de produire un probiotique qui se substituerait aux antibiotiques utilisés en élevage larvaire de crevettes, et qui améliorerait la performance et la santé de la crevette d’élevage. C’est un probiotique local, une bactérie marine qui a été isolée du milieu naturel en Province Nord. On essaye de voir si elle peut être produite sous forme lyophilisée, et démontrer qu’elle peut remplacer des antibiotiques ou apporter un atout en élevage de grossissement, pour lutter contre les infections bactériennes.
5- Le quotidien d’un chercheur, c’est quoi au juste ?
En tant que responsable de projet c’est de donner les moyens aux gens de travailler, programmer des réunions pour évaluer les besoins, voir s’il faut réorienter les recherches, évaluer les résultats et aboutissements. C’est aussi discuter avec les collectivités (provinces et gouvernement) puisqu’elles financent nos recherches, et donc rendre des comptes lors de réunions régulières. On nous demande aussi de corriger des papiers de chercheurs, ce qui nous permet de nous tenir au courant des avancées dans chaque domaine et donc faire de la bibliographie. Et bien sûr en tant que chercheur, proposer, définir et mettre en place les expérimentations au sein du laboratoire.
6- Le moment où vous vous êtes dit : je veux faire de la recherche ?
Quand j’ai eu mon bac, je ne savais pas quoi faire, et en discutant avec la secrétaire de mon école, elle m’a dit « pourquoi tu ne ferais pas une école d’ingénieur », et c’est ce que j’ai fait... Par la suite, c’est l’opportunité de croiser des personnes en lien avec l’Ifremer qui m’a permis d’occuper un emploi de chercheur; c’est vraiment une question de circonstances si je me suis retrouvé dans la recherche. Ce n’était pas mon idée initiale et j’étais plutôt destiné à travailler dans la production.
7- Quelles sont vos plus belles réussites ?
Dans mon cas, c’est difficile de parler de réussites individuelles, ce sont plutôt des réussites collectives car on a besoin des techniciens et des collègues cadres, pour pouvoir travailler, et chacun amène ses compétences aux différents projets du laboratoire. Après en tant que chercheur, c’est vrai qu’on est surtout reconnus à travers des papiers qu’on publie, aux présentations des résultats aux congrès, et on est assez fier lorsqu’un papier est accepté car c’est un travail de longue haleine. Concernant le travail sur le probiotique, j’espère qu’il aboutira car ça sera vraiment un produit local au service de la filière aquacole calédonienne, avec un résultat très concret.
8- Quelles sont, selon vous, les principales qualités que doit avoir un chercheur ?
Je pense d’abord à la curiosité, et ensuite de ne jamais être sûr de soi; il faut savoir remettre en cause les résultats, surtout lorsqu’on travaille sur du vivant. Pour la crevette par exemple, les résultats dépendent des conditions climatiques et de différents facteurs qu’on ne maîtrise pas toujours. Les résultats obtenus doivent être validés en répétant les expériences. Donc pour moi il faut vraiment de la persévérance et de l’obstination, et ne pas prendre le premier résultat pour acquis.
9- Quelle place accordez-vous au hasard (opportunités, rencontres, chance…) dans votre travail de recherche ?
C’est sûr que le travail d’un chercheur est orienté par ses rencontres et les discussions avec d’autres chercheurs qu’il est amené à croiser. Donc oui le hasard fait partie de la recherche. J’ai aussi une anecdote en tête lorsqu’on parle de hasard : il y a plusieurs années en arrière, un technicien avait omis de mettre de l’aération dans les bacs où pondent les crevettes. Cet oubli a permis de constater que les taux de fécondation étaient nettement meilleurs dans ces conditions. Maintenant on ne met le bullage qu’une fois que la crevette a pondu. Heureux hasard qui permet d’avancer !
10- Quelle-est, pour vous, la découverte majeure qui a pu influer sur l’histoire de la science et de l’humanité ?
Pour un chercheur qui se doit de travailler et partager ses connaissances avec d’autres chercheurs, c’est pour moi tout ce qui en lien avec la communication : avec le moteur a réaction, les avions ont permis aux gens de se retrouver à n’importe quel endroit de la planète, même si on constate qu’il peut y avoir des aspects négatifs comme l’actualité nous le montre, avec la propagation rapide d’une maladie. Aujourd’hui, il y a également internet et d’autres moyens grandioses qui facilitent la communication et le travail entre chercheurs.