GOUTTE
En Nouvelle-Calédonie, la gouvernance de l’eau est le fruit d’une organisation institutionnelle particulière, dotée d’un cadre réglementaire incomplet et parfois décalé par rapport aux usages et aux pratiques locales.
L’organisation institutionnelle est différente en fonction du statut foncier des terres, les terres coutumières étant notamment exclues du domaine fluvial de la Nouvelle-Calédonie d’après l’article 44 de la loi organique de 1999 modifié en 2009.
Des tensions sur terres coutumières se créent, de ce fait, autour de l’eau « sacrée », la pollution, notamment minière, la tarification et l’accès à l’eau potable.;
Plusieurs études en Nouvelle-Calédonie se sont centrées sur l’amélioration de la connaissance de la ressource en eau douce, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, mais peu de recherches s’intéressent aux savoirs, aux usages autour de l’eau, et aux modes de gouvernance de cette ressource.
Le projet GOUTTE vise ainsi, à :
- Comprendre les représentations associées à l’eau en terres coutumières, au travers des liens à l’homme, à la terre, aux langues-cultures et au sacré ;
- Analyser l’évolution des valeurs, des savoirs et des pratiques liés à l’eau sur terres coutumières en Nouvelle-Calédonie ;
- Analyser les cadres réglementaires et juridiques, avec une mise en perspective entre le droit international et les pratiques locales ;
- Réfléchir à des règles de gestion et des modes de gouvernance innovants, co-construits sur la base des représentations, des valeurs et des usages traditionnels avec les acteurs du territoire, dans une démarche de gestion intégrée de la ressource, à l’échelle du territoire.
Durée de projet 23 mois
Programme associé
Responsable scientifique
Equipe TerAU
Continuité d’un projet du Fond Pacifique
Le projet Goutte s’inscrit dans la continuité d’un projet du Fonds Pacifique, réalisé de 2014 à 2016, intitulé « Fresh water supply and the land-water nexus in the Pacific: competing uses, complex regulations, conflictive political issues ».
Ce projet porté par l’Australian National University (ANU), intégrait la Nouvelle-Calédonie (IAC en association avec la province Nord), les Kiribatis, les îles Salomon et les îles Tongas.
Centré sur les questions de concertation autour de l’eau, le projet de l’ANU visait à
- Renforcer les collaborations et les réseaux de chercheurs « eau-sciences sociales » dans le Pacifique ;
- Identifier des thématiques de recherches porteuses et fédératrices au niveau du Pacifique.
C’est dans le cadre de ce premier projet que la question de la gouvernance de l’eau sur terres coutumières a émergé comme une thématique clé pour les chercheurs comme pour ses collectivités associées au projet (Bouard et al, 2017 ; Daniell et al, 2016 ; Bouteloup, 2015 ; Lejars et al, 2016).
2017, une étude exploratoire menée
Suite à ce premier projet, en 2017, l’IAC, le CIRAD et l’IRD ont lancé, sur cette thématique, une étude exploratoire, financée par l’Institut Montpellier de l’eau et de l’Environnement (IM2E) en Nouvelle-Calédonie (Nekiriai, 2017 ; Lejars et al, 2017) en lien avec les chercheurs du réseau « Eau-SHS », initiés par le projet Fonds Pacifique.
Dans la littérature, le « droit des indigènes » pour l’accès à l’eau souvent traité
La question de la gouvernance de l’eau sur terres coutumières s’inscrit dans tout un champ de la littérature concernant les « droits indigènes » pour l’accès à l’eau, en mettant souvent en avant les interconnexions entre les revendications politiques, foncières et environnementales des peuples autochtones et les revendications pour la propriété de la ressource (voir par exemple Hidalgo et al, 2017; Boelens and Seeman, 2016 pour l’Amérique du Sud ; Trepied, 2011 et Trepied, 2004 pour la Nouvelle-Calédonie).
Une autre partie de la littérature s’intéresse aux conséquences associées aux écarts de régimes institutionnels pour l’accès à une eau potable de qualité (Chambre des communes, 2005, Penn, 2016).
Dans le pacifique, un sujet également abordé
En Nouvelle-Zélande, le caractère sacré et symbolique de l’eau se traduit concrètement dans des modes de gestion innovants de la ressource (Jackson et Altman, 2009; Hsiao, 2012).
Dans le Pacifique, même si les enjeux associés à l’eau sur terres coutumières ont été identifiés, la question a peu été étudiée en tant que telle (Daniell et al, 2016).
Dans ce cadre, la Nouvelle-Calédonie peut constituer un modèle pour la construction de modes de gouvernance innovants sur l’eau, intégrant les savoirs et pratiques locales (Bouard et al, 2017 ; Lejars et al, 2017).
Le projet GOUTTE est un projet pluridisciplinaire. La gouvernance de l’eau sur terres coutumières, touchant plusieurs champs disciplinaires (juridiques, gestion de l’eau, anthropologie, géographie…), implique un travail d’échanges entre chercheurs et acteurs de ces différents secteurs.
Le projet se concentre, ainsi, autour de 5 grands modules de travail, étalé sur 3 ans, avec des intervenants spécifiques liés à chaque module.
Pour prendre en compte, la diversité des pratiques, des savoirs et des langues, les recherches seront principalement menées sur trois terrains communs : idéalement en province Nord, en province Sud et en province des Iles Loyauté.
Le projet Goutte vise à :
Améliorer la connaissance sur les savoirs et les pratiques associées à l’eau sur terres coutumières, incluant la perception des risques associés au manque d’eau ou aux inondations ;
Faciliter la sensibilisation et le partage de nouvelles pratiques et des règles de gestion, notamment sur les questions d’économie en eau ou de tarification de l’eau ;
Appuyer la consolidation du cadre juridique de l’eau et des milieux aquatiques, de manière à l’adapter au contexte de morcellement juridique des rivières et des eaux souterraines ;
Eclairer la faisabilité sociale liée à la mise en place de nouveaux
- Ouvrages hydrauliques (ex : barrage)
- Dispositifs de :
- gestion et de partage de l’eau (ex : contrats de rivière)
- tarification de l’eau
À l’échelle calédonienne
Le projet GOUTTE devrait permettre de consolider et élargir le partenariat existant, notamment par
- l’organisation de workshops locaux
- le co-encadrement d’un volontaire service civique (VSC)
- l’intervention conjointe des chercheurs, sur des terrains communs
- l’intégration des chercheurs d’autres disciplines et institutions, comme l’ADCK et l’IANCP.
De plus, le projet se fera, dans la mesure du possible, en interaction avec les autres recherches portées par le CRESICA et pour lesquelles la connaissance des pratiques et des savoirs autour de l’eau pourraient constituer un complément ou un appui
Au niveau des collectivités
Le projet GOUTTE interviendra en articulation avec les travaux menés par la MISE sur la politique de l’eau en Nouvelle-Calédonie. Des moments de débats et de discussions des avancements et résultats du programme seront prévus avec la DGRAC / DAVAR / MISE, le Sénat Coutumier / province Nord / province Sud / province des Iles.
A l’échelle Pacifique
Des financements tels que le Fonds Pacifique ou IM2E pourront venir renforcer les collaborations existantes particulièrement avec l’ANU en Australie, le Vanuatu, les Kiribatis et les Tongas.
Le projet GOUTTE mobilise les outils et méthodologies des différentes disciplines impliquées : gestion de l’eau, géographie, anthropologie, linguistique.
Chacune des disciplines de sciences sociales fera appel à ses propres outils méthodologiques, comme notamment
- L’observation directe ou participante
- L’information historique à travers l’analyse de fonds archivistiques publics et/ou privés
- La conduite d'entretiens ouverts et semi-directifs
- Des analyses d’enquête, de cadres réglementaires
- Des études, spatialisation de données
- Les dessins d’enfants…
Il s’agira de
- Récolter le discours sur les changements observés et ressentis auprès des anciens
- Interroger les jeunes générations sur leurs savoirs, leurs pratiques et leurs représentations et les confronter à celles des anciennes générations
Compte tenu de la diversité des disciplines et des méthodologies, le projet GOUTTE prévoit de regrouper les recherches sur des terrains communs et partagés. Le choix des terrains, non défini à date, se fera au mieux afin de couvrir des cas d’études en provinces Nord, en province Sud et en provinces des Iles.
L’intervention des chercheurs sur des terrains communs nourrira à la fois
- Les échanges scientifiques entre les chercheurs de disciplines différentes
- Les échanges avec les acteurs locaux.
Des groupes de travail et un suivi du projet intégrant la DGRAC et les services de l’eau des collectivités seront également organisés.
Enfin, en fonction des moyens disponibles, un séminaire international pourra être tenu sur la question de l’eau sur terres coutumières.
Le workshop du programme "Au fil de l'eau" du CRESICA a eu lieu le 17 et 18 septembre 2019, à l'UNC.
Le mardi 18 septembre était dédié aux résultats intermédiaires du programme "Au fil de l'eau", dont la présentation est disponible ci-dessous en téléchargement. Cette journée de restitution a permis d’échanger à propos des différents projets qui composent le programme, entre professionnels de la recherche, acteurs des secteurs public, privé et associatif travaillant sur ces thématiques.
Retrouvez toutes les informations sur la vidéo de Présentation du projet GOUTTE lors du Workshop "Au fil de l'eau"
A lire :
Synthèse bibliographique : "La gestion de l’eau en terres autochtones : regards croisés sur la littérature scientifique dans le Pacifique et en Nouvelle-Calédonie", Oriane Grellier. Juillet 2019.
Article : "Quand « l’eau, c’est le lien » : suivre l’évolution des réseaux d’eau pour éclairer les pratiques et les transformations sociales dans les tribus kanak", par Caroline Lejars, Séverine Bouard, Catherine Sabinot et Charline Nékiriaï. Décembre 2019.
Livret : Au fil de l'eau, Nouméa 2019, workshop des 17 et 18 septembre, PUNC, p. 30-33 Goutte (volet 2) : La gouvernance de l'eau sur terres coutumières en Nouvelle-Calédonie : de la connaissance des usages et des savoirs à la production d'outils de gestion et de politiques adaptés par Séverine Bouard, Delphine Coulange, Sonia Grochain et Caroline Lejars. Françoise Cayrol (ed.) et Claire Tatin (collab.). Mai 2020.
Mémoire : "L’évaluation des processus de concertation pour la construction des politiques de l’eau en Nouvelle-Calédonie", par Marine Pizette, 2020
Rapport : "Droit de l’eau et pluralismes :contribution à la construction du droit de l’eau en Nouvelle-Calédonie", Victor David et Hortense Lecercle. Juin 2020.
Rapport : "L’eau douce en Nouvelle-Calédonie : continuités et ruptures d’une gouvernance hybride. Une étude de cas des vallées de la Pouanlotch et du haut de la Hienghène", Delphine Coulange, Août 2020.
Mémoire : "Gouvernance de l’eau et autochtonie : étude comparée et perspectives pour la Nouvelle-Calédonie.", Adèle Bommier, 2020
Article : "En Nouvelle-Calédonie, une gestion millénaire de l’eau en héritage", Delphine Coulange, novembre 2020
Rapport : "Regard anthropologique sur les représentations, usages et pratiques liés à l'évacuation des excréments et des eaux usées en tribu", Renault et al., 2020
Mémoire : "Apprendre la gestion de l'eau sur terre coutumière à partir d'un dispositif participatif: construire un dispositif pour le territoire insulaire de Maré", Katleena Amo, 2020
Article : "La politique de l’eau partagée en Nouvelle-Calédonie : retour d’expériences sur un dispositif de co-construction et de co-planification.", par Lejars, C., Bouard S., Ferrand N, Sciences, Eaux et Territoires, n°35, pp.60-66, 17 juin 2021
Article : "À Maré en Nouvelle-Calédonie, un jeu de rôles pour préserver les ressources en eau", par Coulange, D., Bouard, S., Drouin, J., Amo, K., 2021. The conversation. 27 octobre 2021
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Les 28 et 29 mars 2022, le CRESICA organisait le séminaire "Au fil de l'eau" qui a permis de présenter les résultats du projet.
Rapport final : projet GOUTTE
Visionnez la présentation faite lors du séminaire grâce à la vidèo du projet GOUTTE par S. Bouard